Voici le récit de course de Gautier sur le marathon de Rome 2024 qui s’est tenu le dimanche 17 Mars 2024.
Récit de Gautier:
Comment démarrer ce récit ? Par le mois de septembre, le début de la préparation, où je ne savais pas exactement la destination ?
Non, ça remonte un peu plus loin. Peut-être au mois de février 2023 où j’apprends que j’ai un début d’arthrose au genou droit. Je me dis alors qu’il est préférable d’avancer certains objectifs, tel que passer la ligne d’arrivée d’un marathon, tant que mon corps me le permets. Peut-être que je me suis affolé et que finalement j’aurais pu attendre. Mais selon moi, mon genou serait plus en forme cette année que dans cinq ou dix ans. Alors, je me lance.
Non, ça remonte encore plus loin. En commençant à entraîner l’ASM en 2021, je savais qu’afin de mieux comprendre ce que traverse une grande partie des coureurs, il fallait que je me fasse ma propre expérience : sur 10, sur semi, sur trail et sur Marathon.
Ou peut-être que cette folle aventure n’est qu’un complot de notre très cher Cesaric, qui en 2019 ou 2020 me suggérait d’envisager le remplacement de Tonio qui devait prendre sa retraite…Après tout, son goût pour les marathons n’est plus un secret 😉
Bref, revenons en à la prépa et à la course.
Voici mes bagages : quelques cross du collège, une longue expérience dans le football (quelle originalité), dans les cours aérobies en fitness, et surtout dans l’entraînement de la musculation. Un soupçon de 10km, de trails variés et de deux semi-marathons.
Injections de PRP dans le genou et repos relativement sérieux pendant l’été, je décide de commencer la prépa Marathon dès septembre 2023, pour maximiser les gains en endurance fondamentale. Jusque-là je ne courais que 10 à 15 kilomètres par semaine.
Septembre à décembre : le volume augmente progressivement de 20 à 45km par semaine (+ des séances croisées avec du vélo ou du rameur à très basse intensité) avec un schéma plutôt simple d’une séance de VMA, d’un footing d’une heure et d’une sortie longue qui augmente elle aussi petit à petit. Je fais encore quatre séances de musculation par semaine (le gainage devenant aussi important que les jambes).
Décembre : allez hop, une petite injection d’acide dans le genou recommandée par le médecin du sport (je me demande si c’était vraiment nécessaire) suivi d’une semaine de récupération.
Janvier à début mars : préparation spécifique. Le volume hebdomadaire monte à 55 kilomètres. Fin janvier je m’aligne, avec Oriane, sur le départ de l’Hivernale, 24km. « Tiens, je pousserais bien à 30km » dès ce jour-là pour être sûr d’avoir le temps de récupérer avant le marathon. Ce qu’on a fait, en 3h09. Ça me rassure, je peux courir 3h sans m’arrêter.
La semaine suivante, je pensais pouvoir maintenir mon rythme d’entraînement habituel (run, musculation, cours de fitness). Hélas, la fatigue me rattrape en fin de semaine et je ne passe pas loin de ce que je crois être une élongation à la cuisse gauche lors d’un cours de Yoga. Boom, repos imposé la semaine encore d’après où j’ai quasiment réduit de moitié le volume.
Tout se déroule pour le mieux par la suite. Mes parents m’accompagnent à en courant et à vélo sur les sorties du weekend. J’alterne les séances seuils et rappel VMA. Je réduis petit à petit le volume et l’intensité de mes trois séances de musculation par semaine.
J’avais également décidé de perdre du poids en début de préparation pour limiter les impacts notamment. Cinq kilos en moins sur la balance une semaine avant le départ. La masse musculaire a été maintenue, cool, j’ai perdu essentiellement du gras. J’ai même arrêté l’alcool pendant les deux derniers mois (désolé les festifs!). Et oui, je sais que ça joue sur la récup, je mets tous les moyens de mon côté. Le sommeil aussi : 7 à 8h par nuit, lumière éteinte avant minuit.
L’affûtage, faut-il vraiment en parler ? Mes lectures me conduisent à réduire dès j-20 et progressivement de 60 à 40% mon volume habituel hebdomadaire tout en maintenant l’intensité. C’est frustrant, je me sens régresser mais c’est comme ça, c’est le jeu.
J-7 « Alors, tu es prêt ? » Je crois que chaque marathonien.ne en phase d’affûtage a dû entendre cette question des centaines de fois. Je réponds que oui, confiant de ma préparation où toutes les cases ont été cochées. Néanmoins je ne peux m’empêcher de penser que je n’ai aucune idée de la manière dont mon corps tiendra la distance au-delà des 3h d’effort.
J-1 au matin. Je me rends chez Thierry (Maître) avant de rejoindre Orly. Son enthousiasme de m’accompagner sur mon premier 42 décuple le mien. Mon amie Oriane nous attend déjà à Rome, elle sera sur la ligne de départ le lendemain également. Je savais aussi que mon meilleur ami (Ramzy), et sa copine seraient présents le jour J, sans doute pour les derniers kilomètres.
Jour J, réveil à 6h30 pour notre petit déjeuner de compétition et avoir le temps de digérer. 7h20, on est prêt, on sort rejoindre les sas de départ. Ça bouchonne de tous ces coureurs qui s’avancent dans la rue. Nous sommes en retard, on se retrouve tous les trois loin derrière nos sas respectifs. Comptez 18 000 marathoniens ce jour. Du jamais vu pour moi.
Les conditions sont incroyables : 10 degrés au départ, un ciel bleu, du soleil (ouf, j’ai pris mes lunettes), le Colisée devant nous, des bâtiments majestueux tout autour. Je suis là, après six mois de préparation qui s’achèvent, avec mes amis, dans une ville mythique et un soleil radieux. L’émotion est très grande.
8h50, c’est parti !
Thierry a la go pro, c’est un reporter de qualité pour ce jour. Le nombre de personnes fait que le démarrage est lent. Très rapidement on cherche l’ombre dès qu’on le peut. Il va faire chaud, je ne l’avais pas prévu à ce point. Heureusement les italiens ont pensé à tout ! Tous les 2-3km on retrouve des verres d’eau, nature ou salés, des bouteilles, et même souvent (et j’en suis très reconnaissant bien que désolé pour notre planète) des éponges gorgées d’eau fraiche pour refroidir la peau. J’en profite, la tête, le front, le cou, les bras, tout y passe !
Oriane nous a vite devancé, on ne la retrouvera qu’au semi.
Pour l’hydratation je comptais en bonne partie sur mon autonomie avec dans mon sac ma poche d’1L (oui Éric tu m’as conseillé de la remplir qu’à moitié, hélas) et ma gourde de 500mL chargée d’électrolytes. Malheureusement le tuyau du sac était coudé (bravo le coach), l’eau ne passait plus. Au 9e km, j’ai prolongé un arrêt pipi pour régler le soucis et éviter de peser 1kg de plus toute la course. On perd 1 à 1’30 je pense.
Au 10è km, les encouragements de Ramzy et de Pauline sont un premier coup de boost. Helas, on avait perdu déjà 4 ou 5′ sur le chrono souhaité (3h40). Il y avait trop de monde, on zigzagait sans cesse pour avancer et tenir notre allure. Je me fais une raison, c’est comme ça, je vais continuer de courir et prendre un maximum de plaisir. En plus, le GPS n’est pas fiable ce jour-là : un coup c’est du 5’05, puis 5’30… Difficile de tenir le 5’15. Parfois je me sens accélérer, alors je freine, il y a encore de la route.
Point de satisfaction : mes gels maison faits à base de maltodextrine, de miel, de sirop d’agave, de sirop d’érable, de sucre complet, de curcuma et de sel. Telle une machine, je ne rate pas de les prendre toutes les 20′ à minima.
La météo est incroyable. Avec Thierry on sent notre peau chauffer à chaque passege au soleil. Du coup on saute sur chaque ravitaillement : pas question de subir la déshydratation.
Le parcours est fantastique. Oui, très souvent ça reste une grande métropole avec ses immeubles et son goudron. Mais nous enchaînons les passages au-dessus du Tibre et devant les bâtiments aux architectures historiques et cela donne une dimension vraiment spéciale à l’événement. J’ai dû manquer certains passages, concentré dans le doublement et les ravitaillements. Mais plusieurs fois je me suis fait la remarque de la grandeur de ces bâtiments. Notamment lors du passage sur la place Saint Pierre au Vatican !
Avec Thierry on se perd parmi la foule et les ravitaillements mais on se retrouve. Le temps passe vite. On passe les flammes des paceurs 4h30, 4h15. Surprenant de les voir encore là après 15km. Certaines personnes marchent déjà. On continue.
Km 21. On aperçoit Oriane. Sa prépa a bien fonctionné egalement, elle a une super forme aujourd’hui. On la rattrape petit à petit. On est content de se retrouver. Son constat est identique au nôtre : impossible de tenir l’allure, il y a trop de monde.
Nouveaux encouragements de Ramzy et Pauline qui doivent avoir fait presque autant de pas que nous pour nous retrouver sur la course.
Les kilomètres se poursuivent. Musculairement, les jambes s’alourdissent petit à petit. C’est comme ça me dis-je. On boit, on s’éponge et on zigzague. Côte à côte avec Oriane. Thierry est juste derrière. La voie est légèrement plus aérée, je me place sur mon allure, devant eux.
Km 27. Oriane est derrière mais je n’aperçoit soudainement plus Thierry (on aurait dû porter des casquettes distinctives comme lors des sorties avec l’école, alala…). Bon, je continue. Zig-zags, eau, gel, électrolytes, zig-zags, eau, éponges … J’ai envie d’accélérer, mais non, pas avant le 32e, puis il fait chaud, ne gachons pas l’événement. Néanmoins j’attends ce moment avec impatience. J’ai envie de me donner davantage. La fréquence cardiaque est stable, tout va bien. Ramzy et Pauline ne vont pas tarder à me rejoindre. J’ai hâte.
5’10, 5’05, puis 4’55/km dans les descentes. Je vois les perspectives d’un rattrapage sur le chrono. Ça me rend euphorique. Mais je me contiens. Toujours pas de nouvelle de Thierry. Je le verrai à l’arrivée, je pense à lui !
Km32. Je n’aurai jamais pensé que la course prendrait une telle tournure. La fatigue musculaire est là, mais qu’importe, psychologiquement je me sens parfaitement bien et confiant. C’est partie, j’accélère. Si je fais 10km à 5’/km, je peux rattraper le temps perdu et finir le marathon en 3h42, c’est tellement grisant.
Ramzy et Pauline m’attrapent. Ils ont un sourire gigantesque aux lèvres. Ils sont autant excités que moi. On cours en 4’50, Pauline nous lâche. Ramzy s’exclame « mais tu vas vite ! ». 4’45/km on continue !
Km 33, 34, 35. On traverse des places magnifiques (Piazza Navona, Spagna…). La foule est présente tout du long. Ramzy les fait réagir. Les encouragements sont un puit d’énergie.
« Je vais peut-être m’écrouler au 42 » dis-je à Ramzy en rigolant. On passait alors sur les petits pavés de Rome. Ramzy me répond : « désolé, faut que je m’arrête, je te retrouve à la fin ». Les pauvres, je leur avait annoncé 5’15/km et on fait du 4’45, 4’40.
Km 36, 37, 38, 39. Je réduis le timing entre mes gels. Je saute sur les éponges dès que je les aperçois. J’essaie de boire au gobelet, la moitié tombe sur mon visage et le t-shirt. Je sens que les crampes aux mollets et à aux cuisses ne sont pas loin. Je ne lâche rien. Je profite de la foule qui est incroyable et je danse sur la musique. Des orchestres s’enchainent. Le soleil brille. Je double encore des paceurs pour 4h30 (décidément il faudra qu’on m’explique le concept du pacing italien!). J’espère qu’Oriane va bien, c’est son premier marathon également.
Km 40. Je commence à cramper…. aux avants-bras (improbable non?). Ma foulée prend une tournure étrange avec mes bras tendus le long du corps.
La foule encore et toujours, le long du parcours. J’aperçois le Colisée que nous avons quitté au départ.
On enchaine descentes et montées. Je n’abandonne pas.
Un enfant a écrit en anglais sur une pancarte « cours vite comme si ta mère t’appelait par ton prénom et ton nom », j’ai ri.
Km 41. 4’30, 4’25/km. Je souris parce que je réalise à moitié ce qu’il se passe. Je crois les doigts pour ne pas être foudroyé par une crampe au mollet ou aux ischios. Mais je sais que ça va le faire. Je réalise que ces dix derniers kilomètres étaient fantastiques. Que je vais pouvoir dire que je suis marathonien. Que ma prépa a fonctionné. Que mon corps me l’a permis. Que j’ai réalisé cela avec mes amis, que j’ai hâte de retrouver à la fin.
Km 42 et fin. Je revois toutes les séances passées, seul ou accompagné d’Oriane ou de mes parents, sous la pluie ou sous le vent. J’ai des frissons. Pas de foule sur les 200 derniers mètres, étrange. Je pense à l’ASM. A tous les encouragements reçus. C’est fou. Je maintiens l’accélération, mon souffle ressemble à celui de Didier lors des séances VMA (avec toute mon affection pour toi Didier).
Km 42,195. L’arrivée est là ! La montre affiche 43km en 3h39 PILE. Je me surprends de ne pas m’écrouler, bien que j’ai la sensation que mon bassin et mes jambes se crystalisent dès que je marche. Je m’arrête un temps avant de récupérer la médaille et d’avancer. Je profite. C’est fait et ça en valait la peine. Je m’en veux de ne pas avoir attendu Thierry et Oriane. J’ai hâte de les retrouver et de partager cette joie. Oriane arrivera 5 minutes plus tard avec des larmes sur les joues et un grand sourire (oups je l’ai dit). Elle a super bien couru. On se prend dans les bras et on se raconte nos derniers kilomètres. Plus que Thierry qui ne tardera pas à arriver.
Je suis conscient que la dynamique de ma course n’est pas « normale » mais qu’importe, j’en tire énormément de plaisir. La vie est faite pour vivre ce genre d’événements !
Je suis très reconnaissant d’avoir partagé cette expérience avec Thierry, Oriane et mes amis dans cette belle capitale.
Merci à Eric, qui je sais aurait voulu être présent.
Merci aux membres de l’ASM qui ont eu un mot ou une pensée. C’est puissant de savoir qu’un groupe nous porte.
Résultats:
Gautier Lombart : 03:38:58
Coach, t’es trop fort, pour ton premier tu dépotes déjà!!!
Et c’est franchement le premier d’une longue série et ce chrono va forcément et inévitablement diminuer ! Bravo
Mon cher gautier, merci pour ses mots et oui j’aurais voulu t’accompagner mais ce n’est que partie remise … tu as de la marge de manoeuvre pour progresser encore ! Bravo et bienvenue dans cette caste si particulière que d’être MARATHONIEN ! ☺️
Bienvenue Coach dans la grande famille des marathoniens que tu as refoins avec maestria comme Oriane d’ailleurs. C’est où le prochain ?