Ascension du Mont-Blanc 6


Voici mon récit de « grimpette » sur l’ascension du Mont-Blanc du 4 au 8 Juin. Pardon pour la longueur mais j’ai vécu ces 5 jours comme 5 courses et plus …..

Introduction

Voila 4 ans que j’attendais ce moment, l’idée de faire l’ascension du Mont-Blanc a germé dans la tête de 4 copains férus de sensations fortes en allant faire le parcours des 25 bosses près de Fontainebleau.
Après moults revirements, indisponibilités en tout genre (boulot, vacances, blessures …)…. Seuls 2 d’entre nous ont confirmé et décidé de prendre le piolet et les crampons pour aller au bout de ce périple. Mon compère s’appelle Laurent (aussi) surnommé RAN, c’est le mari d’Isabelle Philippe que vous connaissez tous.
Nous avons donc réservé notre périple en octobre dernier, J’ai opté pour un stage 5 jours dont 2 de préparation. Ces 2 jours permettent de s’acclimater à l’altitude, apprendre ou revoir les techniques de base comme marcher avec des crampons, évoluer sur un glacier, marcher en cordée …..
J’ai choisit l’organisme « Odyssée Montagne » pour ce périple ! 1500€ pour 5 jours, tout compris ! Cela permet de ne pas se prendre la tête avec la résa des refuges, gîtes et alimentation.
Nous sommes 6 inscrits sur ce stage, un couple californien, 2 Lyonnais et RAN et moi-même.

Donc c’est parti le dimanche matin 6h00 pour tracer la route vers Chamonix, en veillant à ne rien avoir oublié, et surtout en prenant le porte-clés « Gourou » offert pas mon fils Alexis pour que cela me porte chance !

 

Jour 1 : Refuge Albert 1er (2700m)

Lundi matin, nous avons tous rendez-vous à 9h00 au centre de Chamonix pour rencontrer Georges notre guide de haute montagne qui va s’occuper de nous pendant les 2 premiers jours.
On récupère du matériel de location et on part sur Argentière (à 5km de Chamonix) pour se garer au parking du téléphérique de Balme, direction le Glacier du Tour pour 2 jours de préparation et d’acclimatation. On nous avait prévenu que les télésièges, téléphériques etc n’ouvraient qu’à la mi-Juin. Résultat, au lieu de prendre le télésiège de Balme et continuer la montée sur un D+ de 400m, il faudra faire la montée jusqu’au glacier à pied de bout en bout, soit 1300 de D+…. Ca tombe bien j’ai pris ce stage pour en baver.
Et bien on n’a pas été déçu ! Notre guide pressentant qu’on aimait les sensations fortes nous a fait passer par le chemin le plus compliqué ! ça commence par un joli sentier de montagne, mais assez vite ce sont des rochers assez conséquents et de la neige que nous avons du franchir. Donc 3h44 de grimpette pour arriver au pied du glacier, c’est magnifique! Incroyable je vois passer à côte de moi 2 traileurs qui courent… euh non, qui grimpent vite, et vont se faire la montée et la descente en une traite, j’avoue que sur le coup ça m’a donné envie (je pense à Nico et son Marathon du Mt Blanc!).

 

 

 

 

 

 

Arrivé au Refuge Albert 1er aux alentours de 14hoo, on pose les sacs et c’est l’heure de manger un peu. Ensuite c’est quartier libre jusqu’à la soupe du soir 18h00. Et oui en refuge les dîners sont servis très tôt parce que dans tout les cas on se lève au milieu de la nuit pour aller grimper.
Nous, après le micro dejeuner on est allé se « dégourdir » les crampons au niveau du glacier pour réviser quelques techniques et réflexes d’ascension avec ces trucs pointus qu’on nous met sous les chaussures….. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est assez déconcertant et même inquiétant lors des premiers pas, mais au final, c’est incroyable, autant sur neige que sur rocher, de voir à quel point ça accroche super !!!!
Georges (notre guide) nous fait savoir le soir après le diner que c’est mal barré pour l’ascension du Mont-Blanc.. La météo annonce orages toute la semaine. Là je commence à flipper sur l’éventualité de ne pas avoir au moins la chance d’essayer de monter ce fichu sommet !
Après le superbe diner (bonne soupe, blanquette /riz et dessert) on va se coucher ….. à 20h00 !!!! Autant dire qu’à cette heure on ne trouve pas le sommeil tout de suite malgré la journée, mais il faut se forcer car c’est lever à 3h30 cette nuit pour aller franchir l’Aiguille du Tour

Jour 2 : Aiguille du Tour (3540m)

Réveil 3h30 ! je n’ai quasiment pas dormi comme d’autres d’ailleurs, c’est une des particularités de l’altitude, l’autre souci que je n’avais jamais rencontré c’est le MAM (Mal Aigu des Montagnes)…. J’ai été pris de maux de crânes quasiment toute la nuit, mais au final ça a passé au petit matin après le petit dej.
On a mis un temps fou à être prêt, on s’est même fait gentiment engueulé par notre guide ! Bref à 5h30 on décolle pour l’ascension de l’Aiguille du Tour culminant à 3542m, quand on voit les photos du sommet on comprend bien le mot « Aiguille » !!!
Une sortie de 4h50 (aller – retour au refuge) pour un dénivelé de 1100m, très physique au début, on se met en cordée par 3, et au physique va s’ajouter la technique pour gravir véritablement l’Aiguille sur des rochers affûtés comme des lames de rasoir, c’est très impressionnant, j’essaie de ne pas regarder le vide autour de moi et je me focalise sur la montée.
Mais par contre en haut le spectacle est magique, on reste 5 minutes, quelques photos et on redescend….. Là faut pas flipper, c’est vertigineux, et tout ceci accumulé à la fatigue de la montée, nous impose d’être très très prudent pendant la descente.
Retour au refuge vers 11h45, bien entamé, et là notre guide nous explique qu’il souhaite qu’on soit redescendu au parking (d’où on est parti la veille) pour 15h (gloups) !!! Donc 20 à 30 minutes de pause maxi on enlève les crampons et hop on redescends.
C’est là que notre couple de californiens a craqué, et plus précisément le mari, qui avait du mal à mettre un pied devant l’autre! A ce stade on savait déjà tous, qu’ils ne pourraient pas monter sur le toit de l’Europe.
Je me suis fait peur sur la descente : une chute sur un rocher et un peu de sang sur le coude…. En général ça recadre bien la dangerosité de l’exercice et remet quelques excès de confiance à leur place.

 

Arrivé en bas, notre guide nous explique que vu les conditions météo, nous ne pourrons pas faire le Mont Blanc… il propose à la place une journée explo de la Mer de Glace et 2 jours en Italie pour l’ascension du Mont Paradis (4100m)… bof bof bof, j’ai les boules !
Nous rejoignons un gite sur Chamonix pour nous reposer et passer à la seconde phase du stage.. sauf que là on fait tous la tête devant notre soupe déçus que la météo nous force a changer notre programme

Par contre, satisfaction tout de même, on a l’eau, une douche et un lit individuel, ce que les refuges de haute-altitude ne nous proposent pas…. Super! des prises électriques pour recharger nos smartphones, montres et autres gadgets !

Jour 3 : Tête Rousse (3165m)

Réveil sur Chamonix 07h00, chouette une grasse matinée !!!!
Pendant le petit-dej on se reparle ensemble de ce mauvais scénario qui s’annonce et du coup j’appelle la société organisatrice en expliquant que la météo a l’air plutôt correcte, un des collèges du groupe appelle en plus le gérant du refuge du Gouter (dernier refuge incontournable avant l’ascension du Mont-Blanc) qui annonce que le temps est très bien, des sorties ont eut lieu cette nuit et d’autres sont planifiées demain !!!!!
Donc là on fait un gros forcing auprès des organisateurs les obligeant à finalement nous rediriger à nouveau vers notre destination prévue.
Miracle, ils ont accepté ! Tout redevient à nouveau possible !
Nous ne sommes plus que 4 ! Notre couple Californien est parti en Italie car jugé pas assez fort pour l’ascension. Nous changeons aussi de guide, ce sera Bernard et Enrico qui nous accompagneront.
Donc départ pour le refuge de Tête Rousse à 3200m. La aussi, pour démarrer, on doit prendre « le petit train du Mont Blanc ». Mais il n’est pas ouvert (ils refont les rails) donc on va tout grimper (encore) à pied soit 1400m de D+ .
Au programme, forêt, sentiers, on longe les rails du train, tunnel, neige, rochers, re-neige et enfin grosse grimpette de rochers pour accéder un peu fatigué au refuge vers 15h ! soit 3 h30 de trip !!! Et déjà un gros éclatement du groupe sur la dernière montée.

 

 

 

 

 

Petit sieste …. Enfin on a essayé….. car ce refuge est assez ancien et spartiate, j’expliquais plus haut qu’en général il n‘y avait ni eau, ni douche, ni prise électrique dans les refuges.. et bien dans celui-ci pas de radiateur ou chauffage au niveau des dortoirs (oui des mega chambres de 20 lits superposés). On retrouve son lit, on prend sa couette qui est glacée, et on essaie de se réchauffer du mieux que l’on peut, et quand on commence à avoir un peu chaud, s’en suit, souvent, un concert improvisé (mais efficace) de ronflements de tout tes voisins/voisines fatigués comme toi! En bref tu remontes à 18h30 pour le dîner encore plus crevé qu’avant la sieste !
Le dîner était super top, une soupe de lentilles à tomber, RAN en a reprit plusieurs fois… trop de fois, nous en reparlerons après ! gros plat de pâtes et sa viande en sauce, crème brûlée. On est paré pour le lendemain !

Nos 2 guides divergeaient sur l’heure de départ, Bernard notre guide (à RAN et moi) était partant pour un réveil à 1h00, départ à 02:00. Nos 2 compères Lyonnais eux vont partir à 4h00.

Aller au dodo, demain ça va pas rigoler… et en fait demain c’est tout à l’heure !

Jour 4 : Refuge du Goûter (3815m) – Ascension du Mont Blanc (4810m) – Refuge du Goûter

Réveil 1h, pour petit-dej illico et on vise d’être sur les crampons à 2h00. Je compte une bonne vingtaine de personne pendant le petit dej. Il va y avoir des bouchons sur la montée.

Il ne fait pas froid du tout, le simple 2 couches suffit, frontale réglée au max ! L’ascension du Mont Blanc en partant du refuge Tête Rousse se divise en 3 parties : La montée au refuge du Gouter par l’aiguille du Gouter, la montée du Dôme du Gouter et le Mont-Blanc proprement dit.

La montée au refuge du Gouter passe par le célèbre grand couloir de l’Aiguille du Gouter c’est le passage le plus dur, délicat et dangereux, alors imaginez on a fait ça de nuit avec la frontale ! A la limite je dirais ça permet au moins de ne pas voir ce qui nous attend ….

La plupart des accidents mortels ont lieu à cet endroit…. Si on dévisse là, on a beaucoup de chance de faire une chute de plusieurs mètres, alors grosse concentration exigée. Une partie très dangereuse est d’ailleurs appelée « le couloir de la mort ». Il y a des câbles fixés sur le dernier tiers de la montée…. autant dire qu’à ce niveau physique on ne s’est pas privé pour les attraper.

La montée pour rejoindre le refuge du Gouter va durer 2 h…. c’est très éprouvant, et on dépense beaucoup d’énergie sur ce passage. Afin de juger de l’inclinaison voici des photos trouvées sur le web d’autres expéditions.

 

Dans la pénombre,  j’aperçois un toit ou une grosse structure métallique, ouf ! c’est le refuge du Gouter ou plutôt non, c’est l’ancien… il reste juste 200m pas trop pentus pour rejoindre le nouveau et faire une pause de 20 minutes. Globalement à ce stade on a fait le plus technique mais il reste le plus long…. Encore 4h30 à 5h avant d’arriver en haut.

Et c’est partie pour la montée du Dôme du Gouter, qui nous amènera ensuite au Refuge Valot au pied du Mont-Blanc.

La montée du Dôme du Gouter est longue et fatigante, en fait on voit le sommet depuis le début, mais on n’a jamais l’impression de s’en rapprocher !  mais quand on arrive au sommet, le saint Graal s’offre à nous !! le Mont-Blanc est là devant nous, majestueux, il t’appelle mais tu comprends que tu vas devoir le mériter!

Arrivé au refuge Valot au pied du Mont-Blanc, mon pote RAN qui avait mangé trop de soupe de lentilles la veille au soir, m’explique que ses intestins lui font des siennes … je passerais les détails, mais globalement il n’avait plus de jambes et était vidé (dans tous les sens du terme), du coup il décide de rester au refuge et de nous attendre. Je suis vachement déçu car on voulait vraiment monter là haut à deux, je lui ai dit qu’il le regretterait, il le savait mais ne pouvait plus.

Donc je pars seul avec notre guide Bernard pour entamer mon ascension finale pour ce bon dieu de sommet.

L’ascension n’est pas aussi technique que l’accès au Gouter mais assez périlleuse tout de même…. Imaginez une succession de corniches assez pentues dont on ne voit pas ce qu’il y a après, large de 50 à 70 cm avec à droite et gauche une pente type piste rouge tendant un peu vers le noir !!!!! Rajoutez-y 5 heures de grimpette avant, et un trip ou l’on part pour 2 heures mini…. et vous pourrez mesurer l’état de fatigue et la tension qui règne à bord du corps de Laurent Leturger….

Il a vraiment fallu le mériter ce sommet, je mets un pied devant l’autre, puis je souffle un peu et on continue !!!! cela fait déjà un bon moment que le mental a pris le pas sur le physique… Je dois le faire, je souffre mais c’est tout proche…. Même quitte à y passer la journée.

Et là Bernard, me dit, alors que j’avais arrêté de compter les corniches, « ça y est c’est la dernière, tu y es, tu ne peux plus abandonner »… et cette phrase me rappelle vaguement des choses qu’on peut se dire quand des grosses courses/trail touchent à leur fin, n’est-ce pas ?

Et voila j’y suis, heureux, et plein de satisfaction ! je l’aurais au moins fait une fois ! on reste 10 minutes (car un peu de vent au sommet quand même) à contempler en 360° ce panorama, en un tour complet on voit la France, L’Italie et la Suisse !

Quelques photos, quelques selfies, l’immortalisation de mon porte-clés « Gourou » offert par mon fils sur le toit de l’Europe et hop on redescend.

1heure après on retrouve RAN sur Valot. La descente a été assez compliquée, j’ai même failli dévisser en m’emmêlant les crampons mais comme Bernard m’assurait en cordée…. Je ne suis pas mort !!! Merci Bernard.

 

1 heure de descente après et on se retrouve au refuge du gouter pour y passer la nuit et recharger les batteries car demain on termine la grande descente direction Chamonix.

 

Mon ascension plus le retour au refuge du Gouter aura duré un peu plus de 9h…. et je suis fier de pouvoir avoir ceci dans mon Garmin connect :

 

Jour 5 : Retour Chamonix

Après une bonne nuit réparatrice au refuge du Gouter, on se lève vers 7h00 pour le petit-dej, en se fixant 8h00 max pour faire la descente….. et la descente ben c’est ce qu’on a monté la veille en pleine nuit (L’Aiguille du Gouter) et là de jour, en surplombant depuis le sommet, tu mesures vraiment l’inclinaison et tu fais pas le fier pour descendre.
Perso je suis nul en descente aussi bien en Trail, que VTT, que rando… et ben y a pas de raison, en mode escalade je suis nul aussi, j’ai souffert.

Bref après 1h30 de descente on retrouve nos lyonnais qui sont restés bloqués 2 jours au Refuge de Tête Rousse pour faire avec eux les 1300 m de dénivelés restant… Et oui je ne vous avais pas dit mais les pauvres, ont du rester 2 jours sur Tête Rousse à cause de leur guide qui avait décidé 2 fois de suite que les conditions pour monter n’étaient pas suffisantes… Ils ont regardé toutes les cordées partir et revenir pendant 2 jours. Mais heureusement, après moult plaintes auprès de l’organisme, on leur a proposé la possibilité d’y retourner 2 jours tout payé… Depuis j’ai reçu des nouvelles, ils ont franchi le sommet ce week-end.

 

 

Conclusion

Une expérience ou plutôt une aventure inoubliable !
Tout ce que je pensais ou croyais savoir sur l’ascension du Mont-Blanc a été balayé. Je pensais, vu ma condition physique, que ce serait cool et largement accessible et bien non c’est très dur, il faut vraiment être en bonne condition et avoir un gros mental. Je ne me plaint pas, nous n’avons pas eut à souffrir du froid ou du vent.

Je suis rentré vidé, avec en plus un super herpès (Stress , fatigue, soleil). Pas de courbatures ou de mollets qui tirent fort, mais une fatigue générale. Mais bon y a aussi des heureuses surprises… j’ai perdu 5Kg en 5 jours !

Bon maintenant quel autre projet délirant vais-je devoir trouver ……

Auteur/Autrice


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6 commentaires sur “Ascension du Mont-Blanc

  • Valerie FROISSART

    bravo Laurent d’avoir bravé toutes ces difficultés physiques et mentales ! tu en as bavé comme tu voulais !!! Mérite et respect. J’ai découvert une discipline exigente et gratifiante, par contre il reste un mystère pour moi : pourquoi se lève-t-on si tôt pour partir (de nuit) alors que les retours se font avant la fin de journée ???

    • mm
      Laurent Leturger Auteur de l’article

      Bonjour Valérie,
      Merci pour ton commentaire !
      On part très très tôt le matin voir dans la nuit, car il fait encore assez froid et la neige est bien dure… plus le soleil montre son nez, plus elle ramollie. Évoluer dans une neige molle avec les crampons c’est difficile! de plus, et surtout, lorsqu’elle se ramollie, le manteau neigeux devient instable, des pierres peuvent glisser plus facilement, et évoluer sur un glacier peut s’avérer très dangereux au passage d’une crevasse…..

  • mm
    Laurent MASSET

    Effectivement, le récit est aussi long que l’ascension. Mais passionnant à suivre et avec des photos exceptionnelles.
    Massive congrats
    Pour le prochain objectif, le Tor des Géants… Ça devrait te plaire